Chers professeurs, chers parents, Je vous écris pour vous parler d’une méthode pédagogique japonaise, la méthode Kumon, que j’ai décidé d’éditer depuis l’année dernière : les huit premiers tomes, destinés aux enfants de 3 à 6 ans, sont disponibles en librairie et sur notre site. Cette méthode – c’est tout simplement incroyable ! – est connue dans le monde entier, suivie par plus de quatre millions et demi d’élèves dans plus de 26 000 centres (ce qui en fait le premier cours de soutien au monde !) mais en avez-vous entendu parler en France ? La méthode Kumon tire son nom de son créateur Toru Kumon. (Prononcez Kou-mône !) Ce professeur de mathématiques en collège – nous sommes dans les années 50 – s’était rendu compte que son fils de 8 ans avait des mauvaises notes à l’école en mathématiques. Il a donc entrepris de concevoir pour lui des fiches d’exercices qui correspondaient à ses lacunes : des additions simples, des soustractions simples, etc. Son fils, regagnant confiance grâce à la simplicité des exercices proposés par son père, a d’abord vite retrouvé « son » niveau – c’est-à-dire en réalité le niveau exigé par son école – puis s’est mis à en demander plus. Toru Kumon a donc composé des fiches de plus en plus difficiles, et en l’espace de six mois à peine, a permis à son fils de progresser bien au-delà de ses espérances. La méthode Kumon était née. Son principe ? Il est très simple – et il me semble parfaitement d’actualité aujourd’hui. Il s’agit de fiches (de bêtes feuilles de papier recto-verso) sur lesquelles les élèves complètent des exercices. Rien de très original, direz-vous, et c’est vrai. Mais tout l’intérêt de ces fiches est qu’elles sont conçues pour que chaque difficulté soit abordée de manière tellement graduée, que les élèves progressent sans presque s’en rendre compte. En France, c’est l’initiative d’une mère de famille franco-marocaine Aujourd’hui, il n’existe qu’un seul centre Kumon agréé en France (une franchise) qui se trouve à Boulogne-Billancourt. Il a été créé en 2017 par Salma Alaoui Ismaili, une jeune mère de famille qui vivait encore il y a peu aux Etats-Unis, à Houston. De l’autre côté de l’Atlantique, les centres Kumon sont très répandus et Salma y avait naturellement inscrit ses enfants. Quand, suivant son mari, elle est revenue en France elle s’est étonnée de ne pas y trouver de centre Kumon et a donc pris l’heureuse initiative d’en ouvrir un, tout simplement. Je m’y suis rendu en décembre dernier pour comprendre le fonctionnement de cette méthode – dont le monde entier vante les mérites. C’est une petite salle de classe, avec pignon sur rue, située 22, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny. Chaque soir, elle se remplit au fur et à mesure d’enfants de tous âges (certains sont encore en maternelle, d’autres au lycée). Chaque enfant entre, embrasse Salma, puis prend tranquillement la série de fiches d’exercices qui l’attendent et se met à sa table puis commence à travailler… tout seul ! Pas besoin de longs discours, pas besoin de longues explications : les instructions, sur chaque fiche, sont tellement simples que les élèves savent très bien ce qu’ils ont à faire. Certains prennent leur temps, d’autres ont fini en dix minutes puis repartent tranquillement chez eux. Par quel miracle, direz-vous ? Quand un enfant, quel que soit son âge ou son niveau, arrive pour la première fois dans un centre Kumon, il est évalué – et chronométré. En fonction de la nature de ses erreurs, Salma lui propose des exercices ciblés, qui lui permettent de reprendre les notions qu’il ne maîtrisait pas. Chaque élève suit son propre rythme Tout l’intérêt de la démarche est de donner aux enfants des exercices suffisamment simples – selon leur niveau – pour qu’ils puissent les résoudre tout seuls. Ils apprennent ainsi d’une part qu’ils peuvent réussir, d’autre part qu’ils peuvent réussir par eux-mêmes. Ils se chronomètrent à chaque fois et constatent avec plaisir qu’ils progressent presque chaque jour. Pas de tablettes, pas de smartphones, pas de tableau blanc interactif ni – surtout pas ! – de calculatrice ! Seulement une feuille et un crayon (et bien sûr, pour les plus jeunes, du matériel de manipulation). J’ai vu ce jour-là plusieurs enfants, tous différents (et Salma me décrivait avec enthousiasme la variété de leurs caractères) ; une petite fille de 5 ans, visiblement fatiguée par sa journée, faisait des additions et des soustractions toutes simples (5 + 1, 6 + 1, 7 – 1, 8 – 1, etc) et reprenait doucement des couleurs ; une collégienne manifestement en difficulté, bloquée dans un exercice, demandait de l’aide; un troisième, de huit ans, accomplissait à toute vitesse des sommes de fractions, avec réduction au même dénominateur, sans faire aucune faute. Les élèves qui vont chez Kumon ont dix minutes de travail par jour, qu’ils font chez eux, puis ils viennent deux fois par semaine au centre. Sur leurs opérations – et je dois avouer que cela m’a un peu troublé – il n’y avait pas une seule retenue posée puisque, comme me l’a expliqué Salma, « ils font tout de tête ». Et c’est bien là la force de Kumon : le calcul mental ! Pour le moment, la méthode Kumon ne s’applique qu’aux mathématiques et à l’anglais. Mais mon espoir est que soit mise sur pied une progression Kumon en français. Nous ne sommes en effet qu’au début de l’aventure… Des mathématiques seulement ?  Pour les enfants les plus jeunes – de 2 à 6 ans – il existe d’autres types de fiches qui préparent l’enfant à la tenue du crayon et donc à la motricité fine. Ce sont les tomes que nous avons fait paraître en 2018 (Je coupe ! Je colle ! Je colorie ! Je plie !). Puis, une fois que l’enfant tient son stylo, les premiers exercices de raisonnement et de créativité sont proposés (Logique, Représentation dans l’espace, Pareil ou différent ?, Créativité) : ils viennent juste de paraître la semaine dernière. Ce sont toujours les mêmes principes mis en œuvre : des fiches recto-verso, d’une progressivité déconcertante, avec des consignes claires et réduites à l’essentiel. Ce sont ces quelques choix rigoureux qui amènent les enfants 1) à prendre confiance en eux ; 2) à prendre plaisir au travail (une des choses qui m’amuse est l’un des conseils donnés aux parents : « demandez à votre enfant d’arrêter quand il voudrait encore un peu continuer : vous maintiendrez son intérêt en éveil ! ») 3) travailler de manière autonome ; 4) ne donner aucun frein au potentiel de chacun. Je vous encourage à feuilleter sur notre site un des ouvrages que j’ai cité, et vous verrez par vous-mêmes. La simplicité au départ est admirable : on colorie d’abord un rond rouge au milieu d’un espace rouge : comment se tromper ? puis un carré rouge, puis un losange, puis on mélange des couleurs, puis, avec une progression presque invisible entre chaque fiche, on arrive à colorier sans dépasser. La main de l’enfant est alors prête à l’écriture. Je crois tellement en cette méthode que j’ai décidé d’en éditer huit tomes par an. Mon espoir secret – pas si secret puisque je vous en parle 🙂 – est de susciter de nouvelles vocations de professeurs désireux d’ouvrir des centres Kumon, afin que la France puisse enfin bénéficier de cette pédagogie dont nous avons tellement besoin : « low-tech », différenciée, respectueuse du potentiel de chaque enfant, lente, patiente et efficace. Je serais curieux de savoir si parmi vous certains – qui auraient par exemple voyagé ou même vécu à l’étranger – connaissent déjà Kumon. Et si oui, qu’est-ce que vous en pensez ? Jean Nemo