Chère lectrice, cher lecteur, Pendant longtemps, j’ai cru que les écoles Montessori étaient réservées à des personnes un peu « bohèmes » – et très riches. Les enfants y faisaient ce qu’ils voulaient, quand ils le voulaient, sous le regard bienveillant de leur professeur. Mais j’ai complètement changé d’avis quand ma fille a eu 4 ans. Elle était devenue malheureuse dans l’école où elle était scolarisée en petite section. Elle revenait chaque soir en boudant – elle qui était si enthousiaste à la rentrée – et elle répétait : « À l’école, on ne fait rien qu’obéir. » Je dois avouer qu’au fond de moi, je me disais « C’est bon signe ! » J’ai toujours pensé que l’obéissance est une qualité importante pour un enfant, car elle lui permet d’apprendre plus vite et donc d’éprouver de façon précoce le plaisir de grandir et de comprendre des choses nouvelles. Par acquis de conscience, moi et ma femme sommes allés parler à sa professeur, qui nous a simplement dit : « Je suis très contente de votre fille. Elle obéit bien. » J’ai alors compris qu’il y avait un grand malentendu. Pour moi l’obéissance est un moyen, pas une fin : un moyen pour apprendre et grandir. Mais manifestement, pour sa professeur, l’obéissance est tout ce qu’on attend d’un enfant. Cela a suffi à nous convaincre, ma femme et moi, de tenter une visite dans l’école Montessori de notre quartier. (Quand je dis « école », c’était juste un petit appartement, sans cour de récréation !) Le professeur nous a expliqué comment il faisait la classe. Et immédiatement, tous les préjugés que je pouvais avoir ont disparu. J’ai compris que la pédagogie Montessori était d’abord une pédagogie scientifique, reposant sur l’observation et la connaissance de la petite enfance. Et que les buts qu’elle se fixe sont les mêmes que les miens : apprendre aux enfants à être libres, autonomes et cultivés. J’espère vous en convaincre aussi, et je vais tenter de résumer en quelques lignes les grands principes. Les enfants nous imitent naturellement. Si vous rentrez chez vous en jetant votre manteau par terre ou sur un fauteuil, votre enfant fera la même chose, même au risque d’être puni. Si au contraire, vous accrochez délicatement votre manteau, avec des gestes mesurés, à un joli porte-manteau, que vous avez choisi pour son caractère pratique et que vous respectez en tant qu’objet, alors vous n’aurez même pas besoin de demander à votre enfant de faire comme vous. Il le fera tout seul naturellement. Faites le test ce soir – si vous avez un enfant de moins de 6 ans. Proposez-lui par exemple de venir vous voir pendant que vous faites la cuisine, ou un travail manuel simple comme changer une ampoule, trier des chaussettes ou passer l’éponge. Faites des gestes lents, précis, et surtout en silence. Faites-le avec la même attention que si vous portiez un plateau de verres en cristal sur un parquet glissant. Vous allez être surpris de l’intérêt que votre enfant portera à cette activité pour vous anodine. Et vous allez voir : il va vous proposer de vous aider. (Bien sûr, je ne veux pas vous faire croire aux miracles, non plus ! il faut beaucoup de temps pour donner, ou redonner, ces bonnes habitudes à des enfants.) Les enfants ne vont pas tous au même rythme. Ils traversent tous plus ou moins les mêmes étapes, mais ni en même temps, ni avec la même intensité. Vous avez sûrement déjà vu votre enfant plongé dans une activité, si concentré qu’il n’entendait ni votre appel pour venir à table ni même votre invitation à faire un câlin ou des chatouilles. Si vous êtes comme moi, vous vous êtes peut-être sentis vexés, en colère, et frustrés de ne pas recevoir de réponse. Pourtant c’est une  erreur : il vaut mieux éviter de déranger un enfant, quand il est plongé entièrement dans une activité – même s’il fiche le bazar dans sa chambre ou pire dans le salon. C’est que quelque chose de primordial se joue dans sa petite intelligence : il est en train de mettre en place des circuits neuronaux solides qu’il conservera à jamais. S’il ressent le besoin de vider la boîte de chaussures, de mettre et remettre des legos dans leur paquet, de souffler dans une trompette en plastique ou d’escalader les fauteuils de la maison, c’est que cela correspond à un besoin naturel de son intelligence… Il est en train d’apprendre tout seul et d’ailleurs beaucoup plus efficacement que si vous l’aidiez. Mais, comment savoir qu’un enfant a tel ou tel besoin ? Comment décider à sa place qu’il est prêt à dénombrer des objets, à distinguer les sons à l’intérieur d’un mot, ou à pratiquer un instrument ? C’est pour résoudre ce problème que les activités des classes Montessori sont toutes individuelles. Chaque enfant se tourne naturellement vers l’apprentissage qui correspond à son besoin (et que le professeur lui a présenté auparavant). L’apprentissage passe par l’alliance harmonieuse entre le corps et l’esprit.  Dans les écoles classiques, c’est  le contraire : on y sépare totalement le corps du cerveau ! D’abord, on apprend aux enfants à s’asseoir sur des chaises, parce que « c’est ainsi que l’on apprend ». Puis, quand ils seront restés trop longtemps assis, on leur proposera, tous en même temps, d’aller se défouler en cour de récréation. J’exagère sans doute un peu, mais pas tant que ça finalement. Or séparer le corps et l’esprit peut créer de graves déséquilibres par la suite. Chez les enfants au moins jusqu’à 6 ans, mais sans doute jusqu’à 12, le cerveau ne fonctionne bien que si le corps est en action. Et inversement, les enfants apprennent à contrôler leurs mouvements si leurs actions sont dirigées par des buts intellectuels. Pour cette raison, les activités Montessori sont souvent réalisées sur des tapis de sol, et nécessitent de se déplacer, de porter, de verser, de peser, d’aller et venir, etc. Maria Montessori en parle en détail dans la Pédagogie scientifique, (« Le développement mental doit être connecté au mouvement, et dépendre de lui. ») Et depuis sa mort, cette intuition expérimentale a été confirmée par les expériences en sciences cognitives (Gentaz, 2003 ; Jensen, 2005 ; Dehaene, 2007 ; Shoval, 2011). Je vous en parlerai plus longuement dans une prochaine lettre, parce que c’est un sujet passionnant pour l’éducation de nos enfants. Mais il vous suffit de retenir que le corps et le cerveau communiquent en permanence ; que les activités intellectuelles qui nécessitent du mouvement favorisent la concentration ; et qu’à l’inverse, pendant les activités intellectuelles immobiles, notre corps distrait notre cerveau à la moindre occasion, avec les informations parasites que lui envoient l’environnement (la faim, une mouche qui vole, une aisselle qui gratte…). Il est donc essentiel – au moins pour les jeunes enfants – que les activités physiques et intellectuelles soient toujours liées entre elles. La magie de Montessori repose sur d’autres concepts étonnants, dont je vous reparlerai (par exemple : figurez vous que les enfants n’aiment pas jouer !).   De mon côté, ma fille a été scolarisée, les deux dernières années de sa maternelle, dans une école Montessori. Je ne suis pas devenu riche ni hippie pour autant (!) et ma fille a appris le sens de l’effort, de la discipline, de la politesse, et du respect pour les choses. Elle a aussi appris à lire de manière alphabétique (l’équivalent de la méthode syllabique), s’est initiée à l’anglais, a acquis le goût de la musique et du dessin. Et surtout : elle avait le sourire chaque matin en allant à l’école. Apprentissage et épanouissement : n’est-ce pas ce dont tout parent rêve pour son enfant ? Jean Nemo — Vous souhaitez réagir à cet article ? –        Aviez-vous déjà entendu parlé de cette méthode ? Aviez-vous les mêmes préjugés que moi ? –        Les principes dont je vous ai parlé vous paraissent-ils justes, de bon sens ? Avez-vous observé la même chose chez vos enfants ? –        Et de façon générale, souhaitez-vous que je vous en dise plus sur l’efficacité de cette approche ? Déposez un message via le formulaire ci-dessous.

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