La rédaction est à mon sens la matière la plus difficile au primaire puisqu’elle est en somme, au-delà de la lecture courante et de la grammaire, la finalité de l’enseignement du français.

Pour y parvenir, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et rester modeste dans nos objectifs. Que voulons-nous ? Que les élèves maîtrisent une langue écrite, simple, claire et correcte. Qu’il soit en mesure d’écrire quelques lignes d’un récit ou d’un dialogue, correctement organisées, avec un vocabulaire juste.

Or il n’y pas de rédaction possible sans les trois piliers de la langue : le vocabulaire, l’orthographe et la grammaire. L’acquisition du vocabulaire est la condition sine qua non de l’expression, l’orthographe est porteuse du génie de la langue et de son histoire ; quant à la grammaire, c’est le nerf de la pensée.

 

La rédaction au Cycle 2

Au CP et au CE1, je demande simplement à mes élèves de compléter un texte avec des mots de vocabulaire tirés d’une lecture, de les réutiliser, donc, dans un autre contexte. Les élèves doivent ainsi utiliser un vocabulaire bien précis et réfléchir à la cohérence du texte. Peut-on honnêtement demander plus à ce stade ?

Cet exercice pourrait paraître réducteur à notre époque où l’on prétend faire « produire des textes » à des élèves de CP ignorant tout de la langue (même si les programmes de 2008 on réintroduit le terme de « rédaction »). Je crois quant à moi que ce type d’exercice, en apparence modeste et directif, libère le très jeune élève de l’angoisse de la page blanche, en lui permettant tout simplement de réussir à écrire.

Au CE1 (et jusqu’au CE2), j’aime proposer des exercices d’expression orale : une fois la lecture d’un texte expliquée et le vocabulaire étudié, je demande aux élèves de mimer, d’exprimer des sensations, des émotions (reliées aux textes).

Enfin – plutôt vers la fin du CE1 – je demande aux élèves de répondre par écrit à des questions très précises, méthodiques et progressives. Après la série de questions, l’élève se retrouve ainsi ayant écrit un petit texte équilibré et agréable.

 

La rédaction au Cycle 3

Au Cycle 3, les exercices sont de plus en plus riches et nombreux. Les mots de vocabulaire, enseignés par thèmes (l’automne, la forêt, l’école…), donnent lieux à des exercices de rédaction systématique. On écrit d’abord un paragraphe, puis deux, puis trois pour constituer un récit logique.

Même au CM2, je continue à faire compléter des textes avec les mots et expressions appris pendant la semaine. Car c’est le meilleur moyen d’utiliser le vocabulaire de manière adéquate : un élève qui sait compléter le texte a compris et retenu le vocabulaire.

Enfin, un travail riche sur la phrase (voir les exemples ci-dessous) permet aux élèves d’améliorer de jour en jour leur style.

 

Exemple 1 :

Transcrire les phrases suivantes en plaçant le sujet après le verbe :

Dans le bosquet, le merle moqueur siffle .

Dans le bosquet, siffle le merle moqueur.

Sur ce modèle, on demande à l’élève de transformer plusieurs phrases. Il pourra ensuite utiliser cette tournure dans un texte.

 

Exemple 2 :

Remplacer “il y a” par un verbe évocateur (qui montre, qui fait voir), pris dans le tableau de vocabulaire.

Il y a des sentiers ombragés dans la forêt.

Des sentiers ombragés serpentent dans la forêt.

On donne ainsi à l’élève – j’insiste : on donne ; on ne l’abandonne pas à ses propres et pauvres ressources – les moyens de substituer aux tournures communes, usuelles dans la langue orale, celles plus précises et plus riches de la langue écrite. Cela ne va pas sans règles à apprendre, ni sans entraînement.

Je pratique aussi inlassablement deux exercices beaucoup plus liés à la rédaction qu’on ne pourrait le croire :

1)    la dictée parce qu’ellemontre aux élèves l’emploi du vocabulaire dans un contexte littéraire, l’emploi de tournures élégantes, la structure des récits, etc.

2)    La lecture à voix hauteparce qu’elle est un moyen incomparable d’enseigner la langue, son rythme, sa musique, sa richesse.

 

Ce n’est qu’après ces nombreux exercices – au CM2, donc – que je demande aux élèves de rédiger un devoir ordonné.Ils  ont alors à leur disposition tous les outils nécessaires pour y arriver. Bien sûr, pour écrire ce texte, les élèves sont guidés par un sujet clair, d’une ambition mesurée, éventuellement par un plan et des questions simples auxquelles il ont à répondre. Je peux aussi suggérer quelques images pour l’aider à trouver l’inspiration.

 

Exemple :

“Une promenade arrosée” : racontez d’après le dessin.
C’est dimanche. Où a-t-on laissé la voiture ? Où est-on ? Fait-il beau ?
Que fait-on (parents, enfants) ?
Mais….les nuages arrivent…Grosse averse.
La voiture est loin…Vite à l’abri ! Les jeux continuent. Et bientôt…

 

Sage démarche, démarche encadrée, qui laisse certes une part non négligeable à la liberté d’invention – la fin n’est pas suggérée, mais ne sacrifie pas au mythe de la spontanéité enfantine.

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